Du fantasme dystopique à l’outil d’aide à la création : quelle place a l’IA dans la création littéraire ?
L’intelligence artificielle est-elle capable de créativité ? Peut-elle écrire un roman ou produire une œuvre originale ?
Dans cet épisode de Data Driven 101, je reçois Bertrand Misonne, chercheur en IA le jour et écrivain la nuit, pour explorer l’impact de l’intelligence artificielle sur la création littéraire.
👉 Bertrand partage son expérience unique en intégrant l’IA dans son processus d’écriture, notamment avec son roman Le Nouveau Michel H, où il interroge la place de l’intelligence artificielle dans la littérature et la créativité humaine.
🎙️ Au programme :
🔹 Histoire et perceptions de l’IA dans la littérature🔹 Évolution des technologies et influence culturelle
🔹 L’IA est-elle un simple outil ou un véritable acteur créatif ?
🔹 Enjeux et dangers de l’IA dans la production artistique
💡 Une conversation passionnante entre science, fiction et philosophie, qui vous fera repenser la place de l’IA dans notre imaginaire collectif.

Marc Sanselme 00:00:02 – 00:00:33 : Bonjour et bienvenue sur Data Driven 101. Je suis Marc Sansem, l’hôte de ce podcast qui s’intéresse aux applications concrètes et variées de l’intelligence artificielle et de la data. Dans Data Driven 101, je reçois chaque semaine des professionnels pour nous partager leurs expériences et leurs visions sans filtre. Aujourd’hui, je reçois Bertrand Mizone, chercheur en IA Le Jour, auteur de roman La Nuit. Dans son dernier roman, le nouveau Michel Hache, ses deux perspectives se télescopent et nous invite à regarder la révolution IA en cours sous l’angle de la création littéraire. Bonjour Bertrand.
Bertrand Misonne 00:00:33 – 00:00:34 : Bonjour Marc.
Marc Sanselme 00:00:34 – 00:00:41 : Alors Bertrand, est-ce que pour commencer, tu peux nous parler de cette activité d’auteur et peut-être de ton livre ?
Bertrand Misonne 00:00:41 – 00:01:42 : Tout à fait, il m’est un peu tombé dessus par hasard pendant les vacances où justement je ne devais plus m’occuper d’IA. et voilà qu’un peu comme tout le monde avec cette révolution au chat de GPT, on On avait la créativité un peu stimulée et donc j’ai eu cette envie. J’avais déjà écrit un roman sans IA avant et j’ai eu l’idée de faire participer l’IA à mon processus créatif. Et effectivement, ça s’est télescopé parce qu’étant chercheur en IA… Je ne voulais pas simplement utiliser l’outil bêtement, je voulais le triturer dans tous les sens et en avoir un usage lui-même créatif. Et c’est comme ça que le nouveau Michel H est né, de cette question provocante et toute bête. Le nouveau grand écrivain dont tout le monde admire les travaux, si c’était une IA. Et c’est une question très naïve, donc très intéressante.
Marc Sanselme 00:01:44 – 00:02:06 : Ok, alors de par ta passion et de ton intérêt pour l’IA dans la littérature, est-ce que tu peux nous partager ta vision ? Qu’est-ce que c’est l’histoire de l’IA dans la littérature ? Ça n’est pas né avec Chad GPT, on a eu toujours un peu ce fantasme-là qui a toujours existé ?
Bertrand Misonne 00:02:06 – 00:06:23 : Effectivement, je m’en suis rendu compte après coup. C’est marrant parce que moi je suis plutôt un maker, on va dire, donc je suis un peu rentré dans ce thème IA et littérature en faisant. Et c’est seulement après avoir produit le manuscrit du nouveau Michel Hache que je me suis en fait rendu compte qu’il y avait plein de choses qui m’avaient guidé, plein de présupposés. Il y a d’abord… l’image, et on y reviendra sans doute, de l’auteur, du romancier, comme un pur esprit créatif, touché par la grâce et souvent très fantasmé dans sa vision médiatique. Et je trouvais pour ça le phénomène Michel Houellebecq, j’appelle toujours le phénomène Michel Houellebecq pour le distinguer de l’homme et de l’œuvre, était un super thème pour s’emparer de ça. Mais il y avait aussi et surtout… comment on perçoit l’IA, comment on approche l’IA en tant que membre de cette société qualifiée d’occidentale, pour faire simple. Et là, c’est vrai qu’il y a tout un imaginaire qui est quelque part dans notre cervelle et dont on a hérité. Je me suis rendu compte, par exemple, ça c’est très marrant, qu’il y a déjà des contes médiévaux. Qui parle d’IA, évidemment ça ne s’appelle pas de l’intelligence artificielle, mais il y a notamment plein de variantes, des histoires d’alchimistes, notamment Albert Legrand qui aurait fabriqué une tête en bronze qui savait tout. Et donc il fallait lui parler, donc c’est quand même dingue quoi, l’IA conversationnelle au temps des châteaux forts quoi. Et c’est d’autant plus marrant, de nouveau, ça dit beaucoup sur la mentalité de nos prédécesseurs. Le comte dit que saint Thomas d’Aquin l’a détruite, un bon coup de marteau, parce qu’il a dit « mais non, c’est diabolique ce truc, ça ne se peut pas, quelque chose qui sait tout, ça va forcément être mauvais ». Donc c’est déjà super intéressant de se dire « on part de là ». Et alors on peut se dire, ah oui, mais bon, ça c’était la société obscurantiste du Moyen-Âge, n’ayons pas peur des stéréotypes. Mais en fait, ça a continué, même avec la modernité. Frankenstein, c’est le premier, finalement, aussi conte sur… Une intelligence artificielle, une vie artificielle en l’occurrence, mais qui est aussi douée de sa propre volonté et qui d’ailleurs se retourne contre son maître. Donc c’est assez marrant, évidemment on est dans le roman gothique, dark, etc. Mais c’est assez marrant et c’est de nouveau la technologie de l’époque, c’est l’électricité qui arrive. Il y a cette intuition qui est d’ailleurs très juste qu’il y a de l’électricité dans la vie, puisque nos systèmes nerveux, je vais dire, sont des câbles électriques, entre guillemets, de nouveau très schématiquement. Et donc voilà, directement il y a l’électricité et on imagine pouvoir fabriquer une nouvelle forme de vie à partir de morceaux et ça tourne très très mal, c’est assez marrant. Et puis pour faire court, alors on rentre plus dans ce qu’on connaît nous de notre époque, c’est après-guerre, c’est la science-fiction quoi. Et dans la science-fiction, de nouveau, là aussi, c’est tellement devenu un stéréotype qu’on l’a intégré et qu’on ne le verbalise peut-être pas, mais c’est intéressant de le faire. Il y a dans la SF d’après-guerre, typiquement, Asimov, Philippe Cadic, Arthur C. Clarke, c’est soit le robot… je vais dire, l’agent, souvent humanoïde, qui agit sur le monde réel. Soit c’est cette espèce de super ordinateur surpuissant, le fameux multivac qui est dans une grande partie des romans d’Asimov. Et là aussi, on a aussi cette idée d’Arthur C. Clarke, notamment, d’intelligence qui régente la société, en fait, qui décide pour nous. Donc, c’est C’est marrant, je peux en parler des heures, on va s’arrêter là, mais tout ça, vous voyez, tous ces morceaux-là, ils sont quelque part dans nous. et quand on crée, on est obligé de se positionner par rapport à ces stéréotypes qu’on a intégrés.
Marc Sanselme 00:06:23 – 00:06:54 : Donc, Est-ce que les choses se sont accélérées ? Est-ce que les choses se sont accélérées récemment, comme la technologie ? Moi, je regarde sur l’angle peut-être un peu plus du cinéma, mais je pense à Determinator, à ce genre d’aérobot, ce genre de film, ce genre de récit. Est-ce que c’est un fantasme qui existe depuis longtemps, mais qui s’est intensifié ?
Bertrand Misonne 00:06:54 – 00:10:06 : Alors… On va laisser parler le chercheur, puisque je suis deux personnes en même temps, effectivement. Mais d’abord, effectivement, plutôt sous l’angle culturel, ce qui est frappant, c’est que, justement, pour moi, les intuitions sont là depuis que l’ordinateur est là. En fait, depuis l’immédiat après-guerre, depuis les années 40, peut-être même avant, mais j’ai moins lu sur cette période. Et donc, voilà, entre guillemets, Turing avait tout dit, on va dire, par rapport à ce que c’est l’intelligence artificielle, ce que ça signifie, etc. Et donc, les intuitions étaient là, et c’est ce qui a permis à la SF d’imaginer des choses qui sont finalement extrêmement plausibles aujourd’hui. Ce qui est génial, ce qui est vraiment précieux, je trouve, dans la SF, en termes de phénomènes culturels de la modernité. Maintenant, par rapport à la technologie, Là, c’est clair qu’il s’est passé quelque chose, non pas avec le lancement de chaque GPT à mon sens, mais avec les architectures d’apprentissage profond qui ont été améliorées depuis le début du XXIe siècle. et notamment la découverte des transformeurs par une équipe de recherche de Google en 2017. Ça pour moi, c’est assez frappant. Dans mon boulot de jour où on fait du traitement automatique du langage, on a vraiment approché cette révolution IA tout d’abord à travers le traitement automatique du langage. Et quand on a vu les modèles de la génération Burt de Google débarquer, on s’est dit « Waouh, là, il se passe vraiment quelque chose ». Par contre, c’est marrant, c’est l’anecdote, mais personnellement, moi, je n’ai complètement pas vu venir… le sens de ce qu’on appelle la révolution chat-GPT. C’est-à-dire, j’étais tellement dans mon truc technique traitement automatique du langage que je trouvais que la production de langage était un gadget, en fait. Je me souviens qu’il y a un collègue qui m’avait montré « Oh, regarde, chat-GPT2 ! » La version 2 du modèle d’OpenAI qu’on connaît bien a été capable de produire un papier scientifique peer-reviewed, etc. C’est incroyable. J’ai dit, ouais, ok, mais ça, c’est gadget, ce n’est pas sérieux. Ce qui est sérieux, c’est d’avoir des algorithmes qui traitent les news pour pouvoir détecter les… les épidémies et sauver des vies. Voilà, ça, c’est quelque chose d’important. Produire, discutailler, c’est pour rire, quoi. Et puis, Chad GPT est arrivé, et là, j’ai compris qu’en fait, une vraie révolution, c’est quand les gens se disent « Waouh ! ». Et on en revient à ce que je disais sur l’imaginaire collectif. Là, ils ont dit « Waouh ! ». Ces Halles de 2001 au lycée de l’espace, ces ordinateurs de notre science-fiction, de notre enfance, qui qui tout d’un coup existent.
Marc Sanselme 00:10:09 – 00:10:41 : Oui, c’est l’astuce d’avoir exposé un mode conversationnel à des modèles de langage qui existaient déjà depuis quelques années déjà. C’est ça qui a fait la popularité, c’est ça qui a fait l’adhésion. Et c’est vrai qu’il fallait y penser. Ce n’était pas si… si logique, si prévisible que ça, quand on était dans l’IAD, c’est-à-dire que d’un coup, mettre un format de tchat allait changer quelque chose à la donne, parce que l’algorithme n’est pas sorti le jour où CGPT est sorti.
Bertrand Misonne 00:10:41 – 00:12:27 : Exactement, et GPT-3 était tout aussi capable, avant d’être branché sur un tchat et d’être fine-tuné pour le conversationnel. Donc… Ça ne change rien. En tout cas, c’était l’approche un peu obtue que j’avais. Et en fait, maintenant, je me rends compte que ça change tout parce que ça capture l’imaginaire des gens. Et la technologie sans les gens, c’est du labo, c’est une invention, mais ce n’est pas une révolution. J’aurais dû être prévenu parce que je bossais comme data scientist dans l’information géographique au début des années 2000. Je faisais de la carte au numérique. Et puis, boom, Google sort Google Earth. Et là, tout d’un coup, c’était la même chose. Dans les conversations en ville, tu bosses dans un truc genre Google Earth. C’est un peu la même chose. Maintenant, on me dit, tu bosses dans un truc genre ChatGPT. Alors que pour moi, non, c’est beaucoup plus sérieux que ça. C’est du traitement automatique du langage. C’est de l’IA linguistique. Voilà. Mais… Alors, ce que tu ne peux éviter, embrasse-le. Ce n’est pas difficile parce que je suis un enthousiaste et je ne suis pas forcément un esprit si obtus que ça. Là-dessus… Comme tout le monde, j’ai plongé à pieds joints dans ce plaisir un peu puéril de discuter avec Chad GPT, de chercher un peu en quoi il était bon ou elle était bonne. J’aime bien dire ça, mais ça passe mieux en anglais. En quoi c’est bon, en quoi c’est moins bon. C’est comme ça que je suis tombé dans le terrier du lapin de l’intelligence artificielle créative.
Marc Sanselme 00:12:28 – 00:12:49 : si je fais un autre parallèle dans le même genre c’était pas si évident que ça quand on a vu les premières photos arriver sur des téléphones que ça allait sortir du gadget. en tout cas moi personnellement j’ai vu les premiers appareils photos sur les téléphones. ça m’a fait cet effet. là à quoi ça sert?
Bertrand Misonne 00:12:49 – 00:13:35 : oui encore mieux le smartphone. de nouveau coup de génie parce que je me souviens de ce moment où je me suis dit, mais en fait, avoir Internet sur son téléphone, ça va nous permettre de faire des trucs différents. Et de nouveau, moi, j’étais dans l’information géographique à l’époque et je disais, donc, à un endroit donné, on va pouvoir consulter Internet pour une raison donnée. Ça paraît tellement évident aujourd’hui, mais c’était révolutionnaire. Et de nouveau, un ingénieur en télécom va dire, enfin, c’était quand même simple, faire passer du data sur la fréquence, machin, chose. Donc, c’est ça qui est chouette. Dans la technologie, il y a l’imagination et il y a l’appel à l’imaginaire des gens, en fait.
Marc Sanselme 00:13:35 – 00:14:01 : C’est quoi ? Oui, et à contrario, les téléphones pliants qui sont là depuis… Ça commence à faire quelques années qu’on nous les pousse et qui sont quand même un bide commercial assez fort. C’est difficile de se dire que ce n’était pas le futur aussi. Pourquoi pas ? Visiblement, l’utilisateur n’en veut pas. L’histoire n’est pas finie, mais c’est vrai que ça fait quelques années.
Bertrand Misonne 00:14:02 – 00:15:05 : L’innovation, c’est aussi échouer. Il faut reconnaître, voilà, s’il y avait une recette magique pour dire voilà ce qui va plaire aux gens, ça se connaîtrait, ce serait dommage et ce serait peut-être dangereux. Peut-être qu’avec l’IA, on va y arriver, c’est-à-dire d’arriver à ressentir, à capter les signaux faibles qui vont dire voilà… Pour le meilleur ou pour le pire, parce qu’en fait, dans le marketing qui n’est pas du tout mon domaine, le but, ce n’est pas non plus de faire des choses qui font avancer l’humanité ou qui intéressent les gens pour leur bien, mais qui intéressent les gens pour qu’ils puissent dépenser de l’argent pour un produit. Voilà, est-ce que les puissances de calcul phénoménales qui sont mobilisées pour chaque GPT, par exemple, ne pourraient pas être utilisées pour régler d’autres problèmes de l’humanité ? C’est pas à moi d’en juger, c’est sans doute à personne, mais collectivement, c’est notre responsabilité, ouais.
Marc Sanselme 00:15:07 – 00:15:15 : Est-ce que l’IA a une forme de créativité ? Pour entrer dans ce mot-là, est-ce que l’IA est créative ?
Bertrand Misonne 00:15:15 – 00:17:40 : Oui, c’est le prompt qui déclenche chez moi une génération infinie de… de réponses, mais je vais tâcher d’être structuré et factuel, et partir en fait de l’épigraphe de mon roman Le Nouveau Michel Hache, que vous voyez ici derrière moi. d’ailleurs, si jamais ça vous intéresse, vous pouvez toujours rechercher sur les moteurs de recherche. L’épigraphe est une citation attribuée à Mark Twain qui dit « Rien de nouveau sous le soleil, seulement une variation d’idées existantes ». Et ça rejoint cette idée des artistes qu’on a appelé post-modernes, qui partaient de l’idée que, de toute façon, tout avait été dit, tout avait été écrit, toutes les idées ont été déjà explorées, on est arrivé au bout. Et donc, on ne pourra jamais que créer à la marge. personnellement ça me parle aussi en tant qu’artiste je trouve que c’est un libérateur. finalement ça retire un peu la pression. je vais pas avoir la grande idée que l’humanité attendait. je serai jamais le nouveau Léonard de Vinci parce qu’il y en aura plus. donc ce sera ni moi ni personne d’autre. c’est une vision peut-être un peu réductrice mais ce que ça dit aussi et pour répondre à ta question c’est que alors si créer, c’est recycler des idées qui ont été déjà vues et les réagencer, alors oui, il y a… En tout cas, de par la manière dont elle est conçue, est à peu près faite pour ça, on va dire. Donc, c’est une réponse un petit peu à l’emporte-pièce, je m’en rends bien compte, mais… De nouveau, je n’ai pas la prétention et je ne suis en plus pas un philosophe des technologies. Comme je disais, je suis plus quelqu’un qui fait, qui expérimente et qui réfléchit. Donc j’aime bien donner des éléments de réflexion sans forcément fournir du prêt-à-penser. Donc voilà, sur l’aspect remix, il y a quelque chose. Après, il y a aussi l’aspect de la réception de l’œuvre d’art, et ça c’est un peu plus vaste.
Marc Sanselme 00:17:42 – 00:18:49 : Je trouve que là-dessus… On a un peu cette impression avec le texte, quand on a beaucoup manipulé TGPT, c’est que c’est assez plat comme façon de parler. C’est souvent le fond, le fond est rarement percutant. On est souvent dans le plat. Et à côté de ça, sur l’image, mi-journée d’Ali et compagnie, Des fois, on a des trucs quand même vraiment bluffants et vraiment loin de ce qu’on avait imaginé au niveau du prompt. Alors peut-être qu’il y a dans le dataset d’entraînement des choses qui ressemblent beaucoup, j’en sais rien, mais il y a aussi des choses très, très nouvelles. L’exemple, c’est la doudoune papale, celle du pape François qui a sa doudoune taillée… une fausse doudoune taillée pour le pape avec vraiment les codes de l’église vestimentaires de l’église dessus.
Bertrand Misonne 00:18:49 – 00:21:25 : je crois que c’est vrai pour le texte aussi. et de nouveau c’est intéressant parce que ça dit aussi que il y a la production de quelque chose de créatif donc un remix d’idées anciennes si on en croit Mark Twain. et puis il y a la réception. en fait c’est ce que ça fait sur celui qui le reçoit. Moi, je suis sensible au texte quand même. En même temps, c’est clair qu’au niveau de la production d’un texte littéraire de qualité, pour l’instant, les modèles State of the Art sont un peu limités, je trouve, si on est vraiment demandeur. En première lecture, c’est souvent bluffant aussi. Ça fait des belles phrases, etc. Mais c’est vrai que si on lit, si on re-relit, on se dit « mais il y a quand même un peu de toque, un peu de clinquant ». C’est difficile de transposer ça à l’image, effectivement, puisque là, il y a le photoréalisme. Ça ne peut pas être mieux fait, on va dire. Mais par rapport, de nouveau, à ce réagencement d’idées, à la créativité, on va dire, du truc, là aussi, il y a quand même quelque chose. Le point de départ du nouveau Michel Hache, c’était… D’ailleurs, pas seulement avec Houellebecq, J’avais donné un prompt tout bête qui était un homme boit son café, on sonne à la porte et là, boum, sa vie change. Écris-moi une histoire en 450 mots, donc pas trop longue parce que sinon ça radote. Invente la fin, le prénom du personnage et fais-le à la manière de Camus, de Houellebecq bien sûr et de Boris Vian. C’était, voilà de nouveau, j’aime bien utiliser le terme parce que c’est celui que tout le monde utilise, c’était bluffant. C’était bluffant. En première lecture, c’était bluffant. Après, quand on relit, on se dit non, c’est un texte littéraire un petit peu chatoyant, un petit peu empoulé, mais c’est pas vraiment le style. Par contre, c’est les thèmes, c’était un peu… Et ça a marché puisque ça m’a fait… Ça m’a fait… Ça m’a donné l’envie d’aller plus loin dans l’exercice, quoi. Et donc, c’est là que s’est vraiment créé une collaboration, en fait, entre Lya et l’auteur. Ça, c’est l’autre truc que moi, j’ai envie de dire. La doudoune papale, c’est quelqu’un qui a eu l’idée ou c’est quelqu’un qui a demandé, en tout cas, de faire un pape au sport d’hiver. Je ne connais pas l’histoire derrière cette photo, mais l’histoire, elle est humaine. L’étincelle, elle est humaine. Elle est faite par les humains, pour les humains, de toute façon. Donc ça, c’est l’autre aspect que je voulais dire dans la partie l’IA est-elle créative ? C’est, à mon sens, ça reste un… un outil, un mixeur très complexe au service de la créativité humaine, surtout.
Marc Sanselme 00:21:25 – 00:21:35 : Oui. Non, bien sûr, après, l’étincelle, c’est peut-être pas ce qu’il y a de plus compliqué. C’est-à-dire que l’input, si on veut lui faire donner un sujet…
Bertrand Misonne 00:21:38 – 00:24:33 : Oui, mais est-ce que le sujet intéressera les gens ? On en revient à l’idée innovante, à l’idée waouh que tout le monde veut avoir. Un philosophe de la technologie avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger récemment, Louis de Disbach, commence toujours ses interventions en parlant de Deep Blue et des échecs. En disant, comme on le sait, depuis maintenant presque 30 ans, l’IA est plus forte que l’humain aux échecs. Pourtant… On ne se passionne pas du tout pour un match d’échecs entre deux IA. Et pourtant, il y a encore des tas de gens qui se passionnent pour deux humains qui s’affrontent aux échecs. Donc, en fait, à mon sens, il y a quand même une notion toujours de… C’est l’humain qui s’adresse aux humains, sinon ce n’est pas intéressant. Et donc, si on reprend pour la création… littéraire ou de film ou de série, c’est vrai que l’étincelle de base, si elle est purement digitale, peut-être que ça ne marchera pas, ou en tout cas à long terme. Il y a un vrai danger. Et ça, c’est aussi quelque chose que je développe dans le livre. Quand on sait qu’aujourd’hui, et tous les CEOs des grandes plateformes, Netflix, Disney, etc. le disent, et en font d’ailleurs un argument de vente, ils utilisent l’IA en amont de la création. C’est-à-dire, comme tout marchand de produits, je vais dire, de masse, Ils veulent utiliser leur connaissance de leur marché pour optimiser leurs produits pour qu’ils répondent à l’attente des consommateurs, le fameux saint Graal en commerce. Donc j’utilise des mots exprès bien commerciaux alors qu’on parle de création culturelle en l’occurrence, mais c’est à dessein. Et donc, eux, ils ont déjà des algorithmes qui disent, voilà, si vous voulez avoir plus de… une plus grande part de marché chez les teenagers au Japon, vous devez mettre des vampires et des filles en mini-jupe qui courent et qui ont peur, quoi. Voilà. Mais à ce moment-là, ça devient très philosophique, mais j’ose faire ce pas. À ce moment-là, ça veut dire que c’est les machines qui vont décider, entre guillemets, des fictions, des thèmes des fictions qu’on garde Et donc, de nos récits fondateurs. C’est un grand mot, mais je pense qu’il est important. C’est-à-dire, toutes nos séries, tous nos films, tous les livres qu’on regarde, toutes les histoires qu’on se raconte, en fait, elles ont un but, c’est de façonner une conscience commune. Et si on laisse ce boulot-là aux machines, là, on va vers les problèmes, je pense.
Marc Sanselme 00:24:33 – 00:24:35 : Quel genre de problème ?
Bertrand Misonne 00:24:35 – 00:25:43 : Ben… Alors j’ai dans le bouquin cette expression que j’ai pourdu moi-même, c’est pas un GPT, de fossilisation de l’intelligence humaine. Et donc je me dis mais si on est passif et qu’on se dit voilà on va recevoir toujours plus de fictions qui vont toujours nous ressasser, Les mêmes thèmes et les mêmes sujets, on ne va pas avancer quelque part. Et donc, en tant que société, on ne va pas avoir de nouveaux rêves et vouloir conquérir de nouveaux espaces. Maintenant, je pense que… ça ne va pas se passer exactement comme ça parce que on va avoir cette impulsion humaine de se dire ah mais j’en ai marre de ça. finalement on n’a pas attendu l’IA pour ça. c’est à dire tout ce qui est la production. quand un truc fonctionne on en fait plus on en fait toujours plus. c’est vrai dans le monde de l’édition. ou je parle d’histoire de vampires dans les séries ou je sais pas quoi et puis il y a une lassitude et puis il faut trouver autre chose. j’espère qu’il y aura toujours un humain qui sera là pour trouver autre chose.
Marc Sanselme 00:25:48 – 00:26:27 : Il y a une série qui s’intéresse beaucoup à la technologie, qui s’appelle Black Mirror, qui aime bien justement… Trouver une approche un peu originale et un peu poussée, et pas tomber dans les idées reçues des dangers d’une technologie, mais vraiment se dire quel pourrait être le danger réel de cette technologie. Toi qui as du coup un pied en tant que chercheur dans l’IA et un pied dans l’écriture, quels seraient les… scénarios catastrophes ou même les scénarios noirs que tu pourrais dépeindre avec l’IA.
Bertrand Misonne 00:26:29 – 00:29:36 : Alors, d’abord, je dois dire une chose, faire un aveu très important. Je ne regarde pas la série Black Mirror. J’ai arrêté de la regarder parce que ça m’angoisse trop. Parce que chaque fois que je vois un épisode, je dis mais c’est vrai, c’est vrai, c’est trop flippant, c’est complètement ça. Et voilà, c’est bien la preuve du pouvoir de la fiction. Je pense que c’est vraiment quelque chose de très intéressant à dire déjà. Ce genre de fiction, sont très importants. On est nouveau dans cette veine de science-fiction, de dystopie, puisque ça met dans une histoire intelligible et dans des termes non techniques, dans des termes que tout le monde appréhende parce que ça nous concerne, des enjeux liés à la technologie. Je vous conseille de regarder Black Mirror, même si je ne regarde pas Black Mirror, parce que ça me donne des cauchemars. Et cette démarche aussi, je la trouve super. Alors, ça n’a rien à voir, mais je pense aussi au Mage du Kremlin, un roman qui a eu beaucoup de succès de Giuliano Nempoli et qui parle de désinformation et de… et de manipulation des masses. En fait, cet auteur est un essayiste renommé qui avait écrit des livres, notamment « Les ingénieurs du chaos » sur le problème. Et voilà, ça ne passionnait pas les foules. Et puis il s’est dit « je vais en faire un roman ». Et donc il a tout simplement transformé son essai en fiction et ça a été le carton total. Donc… Je digresse, mais j’y viens. C’est exactement la démarche que j’ai eue avec le nouveau Michel Hache, où au lieu d’écrire un essai en disant voilà les enjeux de l’IA créative, j’ai préféré raconter ça sous forme d’une espèce de fable un peu amusante au premier degré d’ailleurs, avec le monde de l’édition en effervescence, une éditrice manipulatrice, un jeune… ingénieur qui ne comprend rien à ce qui lui arrive, une influenceuse qui me le fait aux poudres, et bien sûr le personnage welbeckien par excellence, un vieil homme aigri au centre de tout ça, mais… Toute cette histoire raconte effectivement un point de vue, un propos sur les enjeux de l’IA. Donc, si je devais raconter effectivement une histoire un peu dystopique sur les enjeux de l’IA, je partirais en tout cas sur exactement ce même genre de point de vue. qui est de dire, je ne sais pas comment, alors ça serait peut-être une suite, mais j’essaierais d’expliquer une histoire où l’IA serait utilisée comme le GPS de la pensée. C’est-à-dire, finalement, elle nous dirigerait vers où on doit penser. Elle ne nous obligerait pas, elle ne nous conduiserait pas, elle ne nous enfermerait pas, elle ne nous enverrait pas des policiers frappés à notre porte pour dire « vous devez penser comme ça ». Mais elle serait là, partout, tout le temps, pour nous faire penser intimement ce qu’on doit penser.
Marc Sanselme 00:29:37 – 00:29:52 : Comme toute assistance nous fait oublier comment faire sans, le GPS est là-dessus assez troublant. On ne sait plus s’orienter sans GPS aujourd’hui.
Bertrand Misonne 00:29:53 – 00:30:47 : Tout à fait. Mon premier roman, c’était un peu l’argument de vente. Ça racontait une histoire, alors vraiment rien à voir, mais une histoire, un petit road trip le temps d’un été en 1999. Ça s’appelait été 99. Et justement, c’était… Quand on me demandait pourquoi 99, j’expliquais que c’était avant la démocratisation des smartphones et des GPS. Et donc c’était un voyage où on découvrait le… le monde au fur et à mesure qu’on l’explorait. Donc je pense que l’analogie est vraiment sympa. Mais de nouveau, il ne faut pas diaboliser la technologie de demain. En fait, elle est déjà là. Notre vision du monde est façonnée par les moteurs de recherche qui sont elles-mêmes des intelligences artificielles. Ce n’est pas parce qu’elles ne discutent pas avec nous. C’est les mêmes réseaux neuronaux derrière.
Marc Sanselme 00:30:50 – 00:31:09 : Oui, je pense qu’une partie de la recherche aujourd’hui est déjà transformée par les IA et ce GPS est déjà là pour la partie recherche d’information.
Bertrand Misonne 00:31:09 – 00:31:36 : Avec des enjeux importants. Évidemment, j’enfonce des portes ouvertes, mais je pense que c’est important de le répéter, avec des enjeux importants pour qui contrôle ces algorithmes, qui sont les GPS de nos pensées. Et là, il y a un vrai enjeu aussi… Censure, manipulation… Exactement, oui.
Marc Sanselme 00:31:36 – 00:31:46 : Quelles erreurs est-ce que tu pourrais nous partager ?
Bertrand Misonne 00:31:46 – 00:32:25 : Dans mon boulot de jour, j’ai eu le plaisir d’initier des milliers de gens aux outils les plus récents de l’intelligence artificielle générative. Le premier réflexe ? Quand on voit la barre de prente, c’est de taper une recherche Google. Tout simplement parce qu’on a été conditionné depuis 20 ans. C’était d’ailleurs une compétence qu’on a apprise à l’époque, pour ceux qui étaient là, de chercher quelque chose parmi une multitude d’informations. Avant, ce n’était pas comme ça. Avant, on parcourait un annuaire et on allait vers la bonne ressource.
Marc Sanselme 00:32:26 – 00:32:49 : Mais taper les bons mots clés est une compétence qu’on apprend au fil des années et qui n’est absolument pas naturelle. Les premiers essais du collège, du lycée, on tape n’importe quoi et on tombe très loin du compte. On oublie que c’est une compétence acquise.
Bertrand Misonne 00:32:49 – 00:38:05 : Exactement, et on a appris à raisonner avec… Ce qui est déjà des réseaux neuronaux, ce qui est déjà des technologies du langage, notamment tout ce qui est sémantique, d’arriver, de l’aider à ne pas confondre les mots. C’est-à-dire, en anglais, c’est toujours party pour faire la fête, c’est pas la même chose. Et donc, quand on utilise des mots-clés, souvent, inconsciemment, on évite ces écueils-là. Mais donc, toutes ces compétences qu’on s’est efforcées d’acquérir pendant 20 ans deviennent quelque part, je ne vais pas dire obsolètes, mais le jeu change complètement face à l’intelligence artificielle générative, où là, on doit revenir à un mode beaucoup plus naturel pour nous, qui est le mode conversationnel. Donc, L’erreur, c’est de ne pas utiliser, je vais dire, une intelligence artificielle conversationnelle comme Google. La deuxième erreur, ce serait de, là-dessus, se dire, oui, mais donc, c’est comme un être humain en face de moi, quoi. Et là, c’est vraiment… très très chouette d’échanger avec un maximum de personnes de leur approche et de leur prompting comme on appelle ça parce qu’en fait ce sont des stratégies très humaines. mais très très vite on se rend compte inconsciemment que ça fonctionne pas tout à fait comme nous. moi j’aime toujours bien dire et c’est très important de décomposer les trois ça parle ça connait et ça résonne. mais Ces trois compétences-là ne sont pas exactement les mêmes que nous. En termes de parler, C’est bluffant, c’est toujours le terme, effectivement. Ça aligne les mots derrière l’autre. C’est d’ailleurs une technologie qui est faite pour ça, qui est faite pour deviner un mot derrière l’autre. Comme on l’a souvent répété, une intelligence artificielle générative, c’est dans son architecture la même technologie que celle qui devine le mot suivant du SMS. « Chéri, je serai en retard. ». Donc, c’est exactement la même chose, mais à une échelle qui défie complètement l’entendement et qui fait un peu ça plus sur la longueur et avec un niveau de sophistication, de contraintes beaucoup plus augmenté. Mais ça, ce n’est pas encore grand-chose. D’ailleurs, il y a eu des critiques… j’adore cette expression, je trouve qu’elle claque beaucoup, un papier scientifique qui disait, mais arrêtez d’appeler ça de l’intelligence artificielle, ce ne sont que des perroquets stochastiques. C’est joli, hein ? Mais donc, ça, c’est la partie parler, effectivement, où on a un perroquet stochastique. Maintenant, il y a la partie connaître, et là, effectivement, on rejoint un peu le côté Google, c’est-à-dire, ces modèles ont été entraînés sur une masse énorme d’informations, et en plus de ça les systèmes les plus avancés maintenant font ce qu’on appelle du Retrieval Augmented Generation. donc quand ils ne savent pas quelque chose ils vont eux-mêmes chercher sur une base de données interne dans l’entreprise. c’est d’ailleurs un enjeu commercial important, bien faire du Retrieval Augmented Generation, c’est un business extrêmement intéressant et profitable aujourd’hui. Donc ça c’est la partie connaître, s’assurer que le modèle se base sur la bonne connaissance. Ça peut dérailler, très souvent ça déraille, d’ailleurs la plupart des… Des critiques, et ils sont vraiment les bienvenus de l’intelligence artificielle générative, disent « oui, mais ça hallucine, je ne suis même pas sûr, il ne sait même pas me dire comment il sait que ceci ou que cela ». De nouveau, j’aime bien l’analogie avec l’être humain. Moi, je réponds toujours « et toi, comment tu es sûr que le ciel est bleu ? Qui te l’a dit ? Cite-moi ta référence ». Évidemment, là, il y a un côté plus expérientiel aussi, mais je veux dire, en tout cas, c’est des connaissances comme ça un peu acquises et évidentes. Ça, c’est celle du modèle. Et puis, il y a tout ce qu’on peut mettre dans sa fenêtre de contexte. Et puis, la troisième chose qui est un peu terrain incognita, que je trouve super drôle, c’est ça résonne. Et là aussi, très, très vite, sur le web, les gens sont amusés à prendre rendez-vous de chaque GPT. Ah, il ne sait même pas ça, il ne sait même pas ça. Et c’est vrai, c’est vrai, ce n’est pas fait pour raisonner. Et malgré tout ça résonne. Et ça je trouve que c’est vraiment intéressant. Là, on est passé de l’erreur au conseil. Mais je pense qu’il ne faut pas avoir peur de l’analogie avec l’intelligence humaine parce qu’elle nous aide vraiment à comprendre comment ça marche. Et comme je dis, on est tous experts parce qu’on comprend tous que c’est l’intelligence humaine. Et donc, en approchant l’intelligence artificielle par analogie, on a les outils pour la comprendre. Maintenant, toute analogie a ses limites et c’est là que ça devient intéressant. Il faut vraiment… s’amuser à comprendre là où c’est pas humain là où ça fonctionne pas comme nous parce que je pense que beaucoup de de d’histoires d’échecs vont sans doute arriver dans les années qui viennent en en se basant trop sur l’idée, ah ouais, mais non, c’est une intelligence comme nous, donc voilà, ça va fonctionner comme
Marc Sanselme 00:38:05 – 00:38:43 : nous. C’est intéressant parce que le mode d’apprentissage, effectivement, c’est le SMS, c’est quel est le mot d’après, on essaye d’apprendre quel est le mot d’après, et donc finalement, on n’apprend que du langage, mais à la fin, ça résonne. Et donc, quelque part… Soit le langage est porteur du raisonnement, c’est-à-dire support du raisonnement, et donc finalement ça a appris à raisonner à travers le langage, soit même peut-être les deux sont indissociables. Ça, philosophiquement, c’est assez sans fin comme question. C’est fascinant.
Bertrand Misonne 00:38:44 – 00:41:26 : C’est la question de l’émergence. Et ça, c’est une question passionnante. Tu vois, je saute sur le sujet parce que l’émergence, c’est tout simple à définir. C’est des propriétés d’un système qui n’étaient pas prévues au départ. Et en fait, effectivement, et je suis tout à fait d’accord avec toi qu’il y a des questions philosophiques derrière, on voit l’émergence. L’exemple que j’aime bien donner, c’est… Donc on est d’accord, machine à aligner des mots, blablabla, mais si on demande, et j’ai fait le test avec… Tous les modèles de langage, je vais dire actuels, de tous les fournisseurs, des GAFA, mais aussi les open source, aussi les challengers genre Mistral. Je leur ai posé la même question, c’est est-ce que tu préfères que je te donne trois quarts de 1000 euros ou bien sept huitièmes de 1200 dollars ? Tous ont sorti un raisonnement correct et une réponse correcte. Que d’ailleurs, moi, je serais bien en mal de faire sans calculette, sans accès à Internet pour savoir le taux de change du dollar, mais soit. Tous m’ont donné la bonne réponse. Or, c’est fait pour aligner des mots d’un derrière l’autre. Donc, soit cette question-là exactement a déjà été posée quelque part sur le web et ils ont réussi à retrouver la réponse et à me la sortir. Donc, c’est un super moteur de recherche. Merci Google. Soit, comme je le pense, il y a cette émergence de capacité de raisonnement, comme tu dis, avec des questions absolument vertigineuses de savoir, mais donc le raisonnement, c’est le langage ou pas ? Je pense qu’il y a des limites, évidemment, mais c’est quand même déjà bluffant d’avoir des exemples comme ça de raisonnement, on va dire assez simple, mais qui fonctionnent. Parce qu’on n’est qu’au début. L’IA qu’on utilise aujourd’hui, c’est la pire IA qu’on n’utilisera jamais. J’aime bien faire l’analogie avec le web. On est en l’an 2000 pour le web. C’est tout moche, il y a des… Il y a des gifs animés partout, il y a des liens, les moteurs de recherche, on n’est jamais sûr de trouver ce qu’on cherche. Donc voilà, on va avoir des IA qui seront encore plus puissantes et c’est clair que c’est la nouvelle tendance d’ailleurs dans la recherche. On dit, toujours plus gros les modèles de langage, bof, mais il va falloir les équiper avec d’autres compétences. et donc c’est toute la vision notamment d’un Diane Lecune chez Meta et… Tu vois, l’émergence, il ne faut pas me lancer là-dessus, sinon on passe la nuit.
Marc Sanselme 00:41:26 – 00:41:30 : Est-ce que tu as une anecdote à nous partager ?
Bertrand Misonne 00:41:30 – 00:42:45 : Une anecdote ? Oui, alors… De nouveau, je trouve que ça, c’est l’anecdote qui symbolise bien la question de l’IA créative et l’importance de la réception de sa création par l’humain. Je discutais avec un journaliste de Midjournée, comme tu le disais, qui fait des images photoréalistes absolument magnifiques et qui, effectivement, a une… une capacité à répondre à nos attentes, à nos promptes, je trouve qui est vraiment très satisfaisante et qui chatouille vraiment des zones de notre cerveau visuel. Mais je disais, ouais, mais c’est quand même un peu dommage. De nouveau, à la locune, ça n’a pas de concept de la réalité. On demande une image d’une dame qui cuit des pâtes et puis il y a la casserole qui flotte en apesanteur au milieu de la cuisine. C’est quand même un peu naze. Et il me répond, Oui, mais peut-être que c’est une IA surréaliste. C’est bien le surréalisme. Et donc, voilà, tout dépend de la réception par l’humain et de quel était le but.
Marc Sanselme 00:42:45 – 00:42:51 : Et est-ce que tu as une opinion à nous partager ?
Bertrand Misonne 00:42:51 – 00:44:55 : Une opinion ? Oui, c’est peut-être comme je disais, cette révolution technologique, elle est incroyable, elle est massive. On peut la comparer à l’avènement de l’Internet d’il y a 30 ans. Donc c’est déjà assez impressionnant dans une vie d’homme d’avoir deux grosses, je vais dire… de technologies complètement disruptives qui arrivent, mais aussi, puisque j’ai eu le privilège de vivre aussi cette révolution-là, j’ai eu aussi la tristesse de découvrir que les idéaux et l’optimisme qui prévalaient quand l’Internet est arrivé et qu’on s’est dit « Waouh ! » La connaissance sera partagée de manière fluide et gratuite entre tous les êtres humains, on pourra tous se parler ensemble, il n’y aura plus de guerre, il n’y aura plus de mensonges, il n’y aura plus d’ignorance, etc. Et on voit ce qu’est devenu le web aujourd’hui et les terribles problèmes sociétaux qu’il pose. Ça me fait réfléchir, ça me fait avoir une opinion un peu pessimiste par rapport à ce que l’IA va nous apporter. Donc, pour retourner le pessimisme, le challenge en opportunité, je pense qu’il y a vraiment… un enjeu à mettre cet IA au service du bien commun et ça passera peut-être par une décentralisation, par une revalorisation de tout ce qui est open source, non propriétaire, etc. Pas seulement comme stratégie de croissance pour des boîtes qui savent très bien ce qu’elles font comme l’a fait OpenAI ou comme l’a fait Meta aujourd’hui avec Lama et on est très reconnaissant que ces modèles soit open source, open weight, mais des vraies technologies qui soient ouvertes et collaboratives, ça pourrait être, je pense, un contrepoint important au danger qui nous guette par rapport à l’IA, finalement, comme un amplificateur des problèmes qu’on a déjà.
Marc Sanselme 00:44:55 – 00:45:02 : Et alors, pour finir, qui est-ce que tu aimerais entendre au micro de Data Driven 101 dans un prochain épisode ?
Bertrand Misonne 00:45:02 – 00:45:48 : Alors justement sur ces enjeux sociétaux, il y a un média que j’ai découvert récemment qui s’appelle Dans les algorithmes et qui apporte un avis très incisif, je dirais presque militant sur ces enjeux sociétaux de la techno. Et je trouve que c’est des voix qui sont importantes à entendre aujourd’hui. Donc je pense qu’il faudrait aller voir du côté de ce média le journaliste qui dirige le projet, je pense qu’il s’appelle Hubert Guyot. Je ne le connais pas personnellement, mais n’hésitez peut-être pas à le contacter.
Marc Sanselme 00:45:48 – 00:45:51 : Très bien. Merci Bertrand.
Bertrand Misonne 00:45:51 – 00:45:51 : Merci à vous.