Data et Transition énergétique
Fabrice Bonnifet, directeur développement durable du groupe Bouygues et président du C3D , est l’invité de l’épisode 31 de Data Driven 101. Il nous parle de l’importance de la data pour la transition énergétique et la nécessité de la collecter et de l’analyser pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, mais également des défis auxquels les entreprises doivent faire face pour intégrer le développement durable dans leur stratégie
– Marc — 00:00 :
Aujourd’hui, je reçois Fabrice Bonnifet directeur développement durable du groupe Bouygues, président du C 3D administrateur du Shift Project et coauteur du livre l’entreprise contributive. Concilier le monde des affaires et limites planétaires. Bonjour Fabrice.
– Fabrice — 00:15 :
Bonjour.
– Marc — 00:15 :
Alors Fabrice, est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu des 2 organisations dans lesquelles vous travaillez et qu’est-ce que vous y faites exactement?
Fabrice
On peut commencer par Bouygues qui est comme tout le monde le sait, je pense un grand groupe industriel de services diversifiés qui opère dans le monde entier dans le domaine. De la construction des travaux publics, de l’immobilier, des télécoms en France et des médias et plus récemment dans le domaine de l’énergie et des services avec le rachat de discours qui s’est déroulé l’an dernier, qui est une grosse structure de près de 100000 collaborateurs. Et qui est spécialisé dans l’accompagnement de nos clients dans les domaines du facility management, de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et tout ce qui touche en fait à la maintenabilité des installations industrielles.
Et alors le C. 3d alors le C 3D c’est une association de professionnels de la RSE qui était fondée il y a 15 ans à la sortie du Grenelle de l’environnement, et c’est association. Vise en fait à accompagner les responsables des RSE dans l’exercice de leurs fonctions, dans leur organisation, pour leur donner les meilleurs outils, les meilleures méthodes pour qu’ils puissent être le plus efficace possible dans l’exercice de leur métier au service à la fois de leur organisation mais aussi de notre cause commune qui est la préservation des écosystèmes et le respect des limites planétaires. Donc c’est pas une mince affaire compte tenu que ça fait quand même assez peu de temps que les organisations humaines s’occupent de ce sujet qui est pourtant essentiel.
Marc — 01:45 :
Alors, quel est le besoin exactement que vous adressez? Auprès donc de ces entreprises que vous accompagnez?
Fabrice— 01:50 :
En fait le sujet aujourd’hui, c’est de modifier de façon de créer la valeur. C’est aussi simple que ça. Aujourd’hui, on a. On a encore une façon de créer la valeur qui est basée sur l’extraction des matières premières d’utilisation d’énergie très intensive avec une non prise en compte dans nos modèles d’affaires de ce qu’il faudrait provisionner, protéger, préserver pour que ça puisse être durable. Donc on est dans une approche qu’on appelle linéaire, donc d’extraction de production, d’utilisation et ensuite on jette avec très peu de rebouclage entre ce qu’on utilise à l’entrée et ce qu’on va pouvoir réutiliser à la sortie pour générer des nouvelles activités et avec une non prise en compte quasi totale de ce que la planète nous offre gratuitement, c’est-à-dire le cycle de l’eau, le site et le climat. Hein, qui sont considérés dans l’économie comme étant une commodité et donc rien n’est fait véritablement pour protéger cette commodité qui est pourtant essentielle au business dans notre système comptable, il y a rien qui nous oblige aujourd’hui à approvisionner les sommes qui seraient nécessaires pour maintenir une très bonne qualité de l’air ou un climat stable, et cetera. Et ça, c’est le péché originel en fait, hein. Donc c’est quand même assez facile. Enfin, c’est en tout cas c’est plus facile de gagner de l’argent lorsque on s’occupe de ce que l’on gagne, mais on s’occupe pas ce que l’on doit. De la nature, et donc c’est ce cycle là il est pas durable dans la mesure où tant qu’on était quelques centaines de milliers sur cette planète, sans mécanisation, sans machine. Bon Ben la planète était suffisamment résiliente pour pouvoir encaisser ce qu’on lui faisait subir. Maintenant après 8 milliards d’individus ultra mécanisés avec des milliards de machines, bah là on arrive aux limites de cette résilience. Et les scientifiques nous intiment le Conseil de ralentir et de changer de modèle économique et donc le rôle, notre rôle, nous les responsables des RSE C’est précisément d’être un peu des lanceurs d’alerte dans nos organisations pour expliquer que Ben, la croissance infinie dans un monde fini aux sources, c’est pas possible et que si on veut continuer de se développer sans renoncer à un minimum de confort matériel, il va falloir bien discriminer ce qui est essentiel de ce qui l’est moins et de mettre en place des modèles d’affaires qui sont contributifs ou régénératifs de ce qui est indispensable pour créer la valeur et précisément la bonne santé des écosystèmes, donc de l’intégrer en fait. Dans le modèle d’affaires, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, donc c’est possible de créer de la valeur économique différemment, mais il faut juste tout changer.
– Fabrice — 04:23 :
Alors quelles sont les pièces justement? Comment est-ce qu’on intègre dans un modèle d’affaires? Ben l’extraction des ressources planétaires, le fait qu’on consomme ce que quelqu’un d’autre ne pourra pas consommer si on veut ne pas dépasser des limites. Comment on comment on intègre ça bah déjà il faut déjà avoir l’humilité d’accepter qu’il y a des limites déjà donc de regarder notre droit à polluer alors en l’occurrence. En ce qui concerne les émissions de CO 2, Bah c’est 0. Si on était lucide avec nous-mêmes, on s’interdirait d’émettre du CO 2 dans le cadre des activités humaines parce que ce qui contribue fortement bien entendu au réchauffement climatique qui commence à poser quand même quelques petits problèmes sur la planète entière. Et puis en terme de d’extraction de ressources minérales notamment les métaux, bah si on peut pas être assuré, on peut pas s’assurer qu’on est dans des boucles qui sont parfaitement circulaires, qu’on va récupérer ces matières premières pour pouvoir ensuite refabriquer d’autres produits sans avoir à les taper en permanence dans les ressources vierges hein. Donc, dans les mines notamment. Eh bien ça pourra pas le faire parce qu’on un jour ou l’autre aussi ses ressources minérales, Eh bien disparaîtront. Donc on a, on a besoin d’avoir une un modèle de production qui sera moins basé demain sur la fabrication de biens matériels, mais sur la fabrication de biens matériels destinés à être utilisé par plus d’utilisateurs potentiels, donc de clients finaux, et donc en fabriquer moins de produits mais plus d’utilisation. Donc l’industriel demain ce sera moins enclin à vendre son produit. Qu’a le louer en fait, qui a louer à différents types d’utilisateurs tout au long de la journée en fonction des demandes de la journée, de la semaine, du mois et donc on va rentrer dans une économie qui s’appelle l’économie de la fonctionnalité, hein? Une économie basée sur l’intensité d’usage des biens produits par les industriels. Donc l’avantage c’est de fabriquer moins de produits parce qu’ils vont être plus utilisés mais pas au même moment forcément. Et qui dit moins de produits, Ben moins de pression sur les ressources, moins d’énergie pour les fabriquer. Et puis aussi une capacité des industriels contenus qui vont avoir des datas extrêmement. Fiable à leur disposition compte tenu qu’ils vont pouvoir regarder comment les clients utilisent ces produits, Eh bien pouvoir les rendre plus réparables, plus recyclables et les faire durer plus longtemps dans le temps.
– Fabrice — 06:35 :
Alors je j’interprète un peu ce que vous dites, une machine à laver au lieu de l’acheter et donc de donner un intérêt à l’industriel à ce qu’elles vivent peu de temps qu’on ait cette sur l’essence programmée, le besoin de la racheter dans 4 ans, quand elle tombe en panne, on va plutôt la louer et la, au contraire, l’industrielle aura tout intérêt à ce qu’elle tienne longtemps et donc qu’elle puisse servir longtemps avec les mêmes matériaux, le même extraction initiale, et donc ce modèle d’affaires là si on l’accepte, peut être une solution, du moins une partie de la solution pour diminuer les émissions de CO 2, leur consommation de ressources limitées.
– Marc — 07:09 :
C’est exactement ça.
– Fabrice — 07:11 :
Alors, quel genre de données vous traitez quand vous mettez? Voilà en place un plan RSE une stratégie RSE concrètement, à la fin, il faut un peu chiffrer les choses sur quelles données on peut s’appuyer.
– Marc — 07:22 :
Donc on va appeler cela le reporting. Extra financier hein qui existe maintenant les entreprises depuis une quinzaine d’années, donc ce sont des données non financières mais qui sont toutes aussi importantes que le financier aujourd’hui parce qu’on ne pourra pas piloter une décarbonisation si on n’a pas ne serait-ce que les données afférentes aux émissions de l’entreprise. Donc il y a de plusieurs types d’émissions, hein, directes, indirectes, mais enfin, peu importe la sémantique ou la technique, ce qui est important, c’est d’avoir le poids carbone de ce que l’on utilise pour faire son business, que ce soit en production propre ou lorsqu’on achète des équipements ou des ingrédients qui viennent dans la composition de notre produit final, donc la fameuse supply chain. Et si on veut pouvoir avoir une stratégie de diminution d’atténuation, comme on dit dans le jargon, et il faut pouvoir avoir le poids carbone assez précis de tout ce qui est à prendre en compte de manière ensuite à réfléchir à la façon dont on peut diminuer progressivement par Itération Successive, soit par remplacement, soit par changement de technologie, soit en utilisant un nouveau modèle économique. Il y a pas une façon de faire, il y a une kyrielle de façon de faire qui se combine. Pour tendre vers d’abord Hein Ben, une première division par 2 des émissions à l’horizon 2030 C’est ça l’objectif. Et puis ensuite contribuer à l’honnête réalité carbone planétaire en 2050 parce que c’est l’objectif que toute entreprise qui se déclare responsable doit avoir ou devrait avoir et donc cette ce pilotage de cette trajectoire de décarbonisation, Ben on le fait avec des datas que l’on récupère ici de notre fournisseur d’énergie, ici de nos partenaires, sous-traitants et fournisseurs de biens matériels. Et lorsqu’on compile tout ça, lorsqu’on consolide tout ça, on est plus à même donc de définir des stratégies de décarbonisation. Alors qui vont nous permettre ensuite, vis-à-vis de nos censeurs, de nos parties prenantes, d’attester qu’on est bien sur la bonne trajectoire. Parce que l’objectif, c’est d’arriver sur une trajectoire crédible, validée par la science et qui va nous permettre donc de d’apporter la preuve à nos parties prenantes que notre démarche est efficace.
– Fabrice — 09:27 :
D’accord, les principales. On va dire, les organismes principales sources qui produisent des données crédibles, fiables là-dessus, si on va vraiment très loin creuser, on connaît l’ademe qu’il y a d’autre comme source intéressante pour quelqu’un qui voudrait aller vraiment. Alors comprendre son impact carbone.
– Marc — 09:46 :
C’est pas tellement l’ademe d’ailleurs qui nous aide là dans l’ADN des méthodologies, mais ceux qui produisent des données, ce sont les entreprises elles-mêmes en fait hein, qui réalisent ce qu’on appelle un bilan carbone de leurs activités et leur bilan carbone de leurs activités dans leur ensemble, mais aussi ensuite le bilan carbone des produits hein? Quelle nouvelle. Parce que même entreprise peut fabriquer tout un tas de trucs différents. Donc ce qui est important pour le client final de toute solution, c’est d’avoir le Sigma des équipements qui rentrent dans la composition de son propre produit pour pouvoir ensuite Ben déclarer le poids carbone de son produit final. Et ça aujourd’hui, les entreprises dont les grandes entreprises ou les moyennes sont capables de réaliser ces bilans carbone se font idée de consultants le cas échéant et tout le monde va s’y mettre hein, vu que l’application de la future. La normalisation, c’est-à-dire qui rentrera donc en vigueur l’année prochaine, abaissera le seuil de la réalisation des plans d’atténuation climatique à jusqu’à des entreprises de 250 salariés. Donc c’est des moyennes entreprises, des petites et moyennes entreprises, alors ça sera pas encore obligatoire pour les artisans, mais d’afficher son poids carbone pour les entreprises. Demain, ça va devenir vital car les donneurs d’ordre vont l’exiger parce que les donneurs d’ordre, notamment les grandes entreprises, ont besoin d’avoir une visibilité claire. Sur ce qu’elles embarquent dans la composition de leurs propres solutions de manière ensuite, je répète, le but c’est pas de mesurer pour mesurer le but c’est de mesurer pour réduire et de trouver des alternatives. Et heureusement aujourd’hui il y a dans pratiquement tous les domaines des alternatives. Alors ce que c’est des alternatives qui suffiront pour aller vers le 0 à date non mais on peut espérer en tout cas que dans les années qui viennent on puisse tendre vers ce net 0 qui est la seule façon d’arrêter le changement climatique.
– Fabrice — 11:35 :
Oui, alors c’est intéressant. Vous parlez de net 0 de neutralité carbone si on est fidèle à la réalité, il faudrait émettre 0 des activités humaines qui résorbent de du CO 2Y en a pas beaucoup. Comment est-ce qu’on compense le fait que Ben toute activité a tendance à générer du CO 2? Comment est-ce qu’on vient aller vers le 0? On nous a parlé de 2 tonnes par personne et par an, comment est-ce qu’on peut arriver en dessous et à 0? La compensation carbone, par exemple, on. Mais il semblerait que ce soit pas si fiable que ça qu’y ait.
– Marc — 12:11 :
Le sujet, c’est pas de émettre 0, le but c’est de contribuer à la neutralité carbone planétaire. Donc c’est quoi la neutralité carbone planétaire? C’est de pas émettre plus de CO 2 que la planète est capable d’en absorber naturellement, c’est ça donc effectivement, aux alentours de 2 tonnes par personne, Eh bien on rentrera dans cet équilibre planétaire où les émissions liées aux activités humaines dans la limite de 2 tonnes. Pourront être compensés par la capacité d’absorption de début de carbone naturel, mais aujourd’hui, c’est une illusion de penser que si on va au-delà des 2 tonnes, les puits de carbone naturels puissent absorber ce surplus, c’est pas possible, c’est physiquement pas possible à date, donc peut-être que demain ça le deviendra. Je sais pas par quel miracle, mais aujourd’hui, les systèmes naturels d’absorption du carbone, que ce soit l’absorption océanique ou la photosynthèse, ont des limites d’absorption qui sont liées. En fait, à tout simplement à la, à la taille de la planète Hein, donc il est important de comprendre ce qui est important, c’est pas de compenser l’importance, c’est de réduire, de réduire pour revenir dans les limites planétaires. Et une fois qu’on sera revenu en limite planétaire, vous avez raison. Là il faudra si possible qu’on aille version un peu du carbone négatif parce qu’il il restera tellement molécules de carbone dans l’atmosphère. Donc on sera peut-être hélas à 470 ou quatre cent quatre vingt p n de c o 2 dans l atmosphère, donc assez dans les années qui viennent en 2050 et si on veut retrouver un climat. Stable d’avant l’ère industrielle, aux alentours de deux cent quatre vingt p de c o deux. Ben il faudra aller rechercher tout ce carbone en excès qui reste stocké dans les hautes couches de l atmosphère. Et donc là il faudra effectivement que les activités humaines soient inférieures à la capacité naturelle d’absorption de manière à résorber tout ce stock et ces milliards de tonnes de carbone qu’on a contribué à émettre pendant toute la l’ère industrielle thermo industrielle. Donc ça mettra des décennies, voire des siècles, à ce qu’on revienne à ces 280 PP de CO 2, mais c’est la condition si on veut retrouver un climat stable avec pas trop d’épisodes météorologiques détestables qui sont la conséquence directe du réchauffement climatique. Donc ça c’est l’objectif que les scientifiques nous donnent. C’est l’objectif de l’accord de Paris, donc réduire c’est vraiment la priorité de mes 3 un et ensuite booster enfin. Ensuite on peut commencer maintenant hein booster les puits de carbone mais croire qu au moins pouvoir compenser ce que l’on émet. Aujourd’hui en quantité, c’est une vue de l’esprit, il faut avant tout réduire.
– Fabrice — 14:48 :
Alors je rebondis un peu sur ces notions un peu comptables de carbone. Si on fait le bilan carbone, perso, le bilan carbone d’une entreprise à une question que je me pose hein, qui est un peu centrale là-dedans c’est le biais d’avion du PDG d’un grand groupe de biens consommables. Est-ce qu’il est dans le bilan carbone du PDG Ce qui est dans le bilan carbone du groupe, ce qui est dans le bilan carbone de consommateurs. Et bien consommable à la fin. Comment est-ce qu’on le compte de façon à bah efficacement?
– Marc — 15:20 :
Si le PDG il utilise ce billet d’avion pour aller en vacances, il compte dans son bilan carbone à lui s’il utilise pour aller visiter ses installations, il est dans le bilan carbone de l’entreprise hein? C’est comme du bon sens, donc l’objectif c’est de se dire mais pourquoi on prend l’avion? Pourquoi on mange de la viande, pourquoi on achète des fringues, et cetera, donc tout ça consomme du carbone et il est clair que malgré les progrès technologiques. Qui vont nous aider dans certains cas à diminuer nos émissions, c’est une évidence qu’il va falloir aussi qu’on accepte de changer nos modes de vie. Et c’est clair que la technologie ne pourra pas tout autoriser, notamment dans ce domaine là. Donc, la sobriété, la frugalité, la ralentir, la taille de l’économie d’une essentielle, c’est pas une option, il va falloir le faire donc pour le faire sans que ce soit perçu comme punitif ou que ce soit perçu comme une restriction des libertés individuelles, et cetera. Il va falloir bie n entendu. Faire preuve d’une grande pédagogie auprès des différentes parties prenantes, à commencer par les citoyens et que ceux aujourd’hui qui sont les plus gros consommateurs de biens ou de services, bah acceptent aussi de montrer l’exemple pour pas qu’il y ait trop de décalage entre ceux qui ont trop aujourd’hui et ceux qui n’ont pas assez. Donc y aura pas de transition comme on dit, si tant est que la transition existe. Mais il y aura pas de transformation, en tout cas sans un minimum d’égalité, d’équité ou de justice sociale. Donc les gens se rendent pas bien compte à quel point. Une société neutre en carbone, c’est une société qui va devoir accepter que l’on revoie vraiment en profondeur nos façons de consommer au quotidien et notamment dans nos pays. À nous, c’est à dire les pays qui sont les plus gros utilisateurs de ressources et qui sont les plus gros émetteurs. Donc tout le monde ne parle pas de la même ligne de départ sur les histoires de carbone hein. Faut savoir que 50 % des émissions sont émises par seulement 10 % des plus riches sur cette planète, donc ceux qui sont les plus concernés par cette remise en question de leur mode de vie. C’est pas les Ghanéens, le Sénégalais ou les Soudanais hein, c’est nous. Alors est ce que ça veut dire qu’il faut qu’on renonce à tout le confort matériel qui est à notre disposition aujourd’hui? Certainement pas, mais qu’on fasse preuve de techno discernement sur l’utilisation des technologies qui sont notre disposition et qu’on fasse preuve aussi de lucidité et de sobriété sur le l’utilisation des services ou des matières premières qui sont nécessaires pour fabriquer les produits qu’on utilise au quotidien. Oui là il va y avoir des remises en question qui vont être importantes alors par la régulation d’une part, mais aussi et surtout par la transformation des modèles d’affaires. Parce que je rappelle que si l’entreprise veut survivre, il va de toute façon lui falloir revoir sa façon de créer de la valeur parce qu’il y a pas de business viable sur une planète qui sera devenue eu un vivable.
– Fabrice — 18:05 :
Alors, est-ce qu’on pourrait prendre le déroulé d’un exemple d’accompagnement que vous avez fait avec ces 3D par exemple, pour qu’on comprenne bien concrètement en quoi ça consiste alors ça consiste déjà à mesurer l’empreinte, pas simplement l’empreinte carbone, mais l’empreinte haut, l’empreinte biodiversité, l’empreinte matière première pour bien savoir d’où on part, voilà. Une fois qu’on voit bien, c’est un peu comme voulez faire des crêpes hein? Vous avez besoin d’ingrédients s’il vous manque des œufs, vous ferez pas de crêpes hein? Donc il y a besoin pour faire n’importe quel type de business, d’ingrédients de base qui sont indispensables. Alors il peut avoir de la Substituabilité hein le cas échéant dans certains cas, mais dans d’autres cas y a pas de possibilité de faire autrement. Enfin aujourd’hui en tout cas pour certains types de business, une fois qu’on a une bonne vision de ce dont on a besoin pour faire le business en terme de matière première d’énergie, de compétences bien sûr hein, et de process. Eh bien, c’est de se poser la question, c’est, qu’est ce que ça génère comme impact? Positif, donc ça c’est le produit qu’on va vendre et qui va nous permettre de payer les salaires, payer les fournisseurs, payer les impôts, et cetera, mais aussi, hélas, comme impact négatif donc en termes de particules émises en termes de pollution de l’eau en termes d’émission de gaz à effet de serre, et cetera. Et là, tout le travail des responsables des RSE ils le font pas tout seuls, mais c’est aussi ça fait quand même partie de leur travail, c’est de trouver des alternatives pour que de génération de produits en génération de produits, on puisse diminuer les impacts négatifs tout en maintenant si possible les impacts positifs. C’est ça le rôle, c’est ça le métier d’un responsable développement durable donc, et c’est possible. Alors c’est possible de progresser rapidement. Les 10, 20 premiers % d’impact négatif à réduire ces on y arrive assez facilement. Par contre, pour tendre vers le Net 0 impact, là ça demande beaucoup plus de réflexion et puis d’acceptation aussi de remettre en question sa façon de créer la valeur et la première question qu’on doit se poser, c’est l’utilité sociale de l’activité commerciale que l’on met en œuvre. Parce que si. Qui l’utilité sociale est avérée et que les produits qu’on propose ou que les services qu’on propose répondent vraiment à des besoins essentiels des populations. Il y a pas de raison d’arrêter parce que de façon manger, on en aura encore besoin de se loger. On a encore besoin et cetera.
– Fabrice — 21:02 :
Si je suis croisiériste, que je viens de voir en disant ce qu’on peut faire sur mon modèle d’affaires pour me rendre à sustainable, qu’est ce que qu’est ce que vous faites?
– Marc — 21:14 :
Bah c’est sûr que le mode de motorisation de ces bateaux, le mode de consommation et cetera sont clairement pas compatibles avec ce qu’on va devoir faire demain, enfin demain et même aujourd’hui. Enfin ce qu’on aurait dû commencer à faire hier. Donc oui on je vais pas vous dresser la liste de tous ceux. Enfin pour faire simple, pour certaines activités ça va être assez simple pour d’autres activités, ça va être plus compliqué hein, y aura pas que des gagnants dans cette histoire et ceux qui seront pas gagnants bah c’est quoi le traitement social? Et ce qu’on fait des gens qui sont dans ces industries, le but c’est quand même pas de les abandonner sur le bord de la route hein. Ça va être de les accompagner de qui changent de métier hein. Qu’ils apprennent à faire autre chose, mais c’est clair qu’y a des pans entiers d’activités humaines aujourd’hui qui dans un monde à 2 tonnes par personne et dans un monde net 0, va devoir se réinventer, se reconfigurer de façon si on ne le choisit pas de le faire nous même ben la physique va se charger de le faire elle-même. Donc de toute façon on le subira parce qu’y a moins d’énergie qui va rentrer dans la dans l’économie dans les années qui viennent parce que les ressources aussi sont aussi des ressources finies hein? C’est pas que les métaux et que cette dépression a commencé pour au moins pour le pétrole liquide hein. C’est moins vrai pour le gaz et le charbon. Il y a encore des réserves considérables, mais de toute manière cette déplétion des métaux notamment elle est inéluctable si on rentre pas rapidement dans une boucle circulaire et si on continue de produire autant de biens matériels qu’aujourd’hui. Donc encore une fois c’est un choix hein, c’est un choix de l’humanité. De piloter cette transformation ou d’attendre qu’elle s’impose à nous de façon plus naturelle. Mais si on attend qu’elle s’impose à nous et que pendant ce temps-là on continue de détraquer notamment le climat, le cycle de l’eau et qu’on continue d’éradiquer la biodiversité, les conséquences pour la santé humaine et pour la pérennité du vivant, bah les conséquences peuvent être effroyables.
– Fabrice — 23:12 :
Quels sont les obstacles techniques quand on essaie de mettre en place un bilan RS un bilan carbone, une empreinte dans une entreprise?
– Marc — 23:19 :
Y a rien de compliqué techniquement, le problème c’est que tout le monde n’a pas la donnée parce que tout le monde n’a pas fait l’effort de mesurer, n’a pas utilisé la bonne méthode. Aujourd’hui les datas sont peu disponibles et quand elles sont disponibles sont pas toujours fiables parce que les coefficients d’émission sont pas toujours harmonisés parce que souvent les produits sont composés de multiples composants qui eux-mêmes sont composés d’autres composants. Donc la traçabilité de tout ça est très difficile à récupérer donc on a une finalement une vague idée, une fine du poids carbone réel donc c’est pas facile à piloter et c’est pas facile d’arbitrer non plus entre ce qui a semble bien d’un côté. Mais qu’il est peut être pas tant que ça parce qu’on n’a pas la totalité de l’information dont on aurait besoin pour faire des choix. Donc les freins oui, les freins ça c’est il y a des problèmes de fiabilité, de traçabilité, de données. Mais le principal frein il est pas technique. Le frein il est-il est plutôt psychologique, il est sociotechnique, il est culturel, il est qu’il faut qu’on accepte nous notre génération de revoir nos modes de vie et c’est plus ça, c’est plutôt un on a plus besoin d’un choc je le répète de la pédagogie. Que d’une révolution technologique parce que, à date, il y a aucune technologie magique qui permettra de maintenir nos façons de vivre actuelles. Nous les Occidentaux, tout en ayant une trajectoire de décarbonisation à la hauteur de ce qu’il faudrait faire. Donc on il va falloir tout faire en même temps, donc continuer de chercher à la limite, on n’est pas l’abri d’une bonne surprise, mais compte tenu du temps de diffusion des technologies, quelles qu’elles soient, on sait très bien qu’entre quand on découvre un truc formidable et que ce truc formidable est déployé à la bonne échelle, bah il faut un peu de temps quoi hein. Sauf que le temps n’en a plus, on en a plus vu qu’on doit avoir divisé par 2 en 2030 et on doit être à la neutralité carbone dans moins de 25 ans. Donc le temps d’une génération d’un bonhomme en fait hein. Donc ce temps-là on l’a plu donc de compter exclusivement sur de la technologie pour pouvoir arriver à faire tout ce qu’on va devoir faire. Et c’est juste se tromper de bataille.
– Fabrice — 25:17 :
Le bilan carbone, l’empreinte. On parlait de compensation tout à l’heure, c’est aussi bah le lieu des fois de greenwashing hein? De communication sur tout ce qu’on a fait pour calculer des choses, montrer qu’on a fait des progrès sur quelque chose de négligeable. Et puis à côté de ça, mettre des œillères sur des points particulièrement polluants. Quel genre de triche déjà pour commencer, quel genre d’on va dire genre mal intentionné, vous pouvez rencontrer dans vos travaux et comment on peut éviter la triche là-dedans.
– Marc — 25:45 :
Je sais pas si c’est de la triche c’est plutôt soit de l’incompétence, de l’inconscience ou du déni. Du déni dans le sens où on a du mal à croire ce qui fait mal, à croire de dire voilà, oui, on va plus pouvoir continuer comme avant. Et c’est vrai qu’il y a il peut y avoir de la part de certaines entreprises de moins en moins, mais ça existe encore. Hélas, la tentation de non pas de tromper mais de faire croire que le produit est plus vert qu’il ne l’est réellement, en insistant sur des points qui sont pas les points essentiels pour masquer des points qui sont un peu plus difficiles. Bon, c’est incontestable que ça existe. Que la loi maintenant encadre de plus en plus les allégations et les dires des entreprises en relation avec leurs produits et comment elles utilisent les termes verts pour qualifier leurs produits qu’ils ne le seraient pas tant que ça finalement donc notamment la référence à la neutralité carbone planétaire. Donc il était temps que le législateur fasse un petit peu le ménage là-dedans et encadre le ces types de messages. Et puis condamne, même lorsqu’il y a une utilisation abusive à un critère écologique alors que le produit ne le ne le mérite pas. Alors qu’est-ce qui explique ça ce qui explique ça, c’est que, hélas, les entreprises se sont réveillées un peu tard dans la compréhension du problème et qu’elle se trouve confrontée devant. Il y a une double injonction de continuer l’activité avec les niveaux de rentabilité que les actionnaires demandent, mais aussi d’autres parties prenantes qui sont souvent non contractuelles, qui elles disent Attendez, on n’est pas continuer de faire du business, mais en tout cas veut que vous arrêtiez de polluer donc ça devient compliqué pour les entreprises de naviguer entre ces 2 injonctions hein, l’injonction de rentabilité qui est indispensable pour une entreprise si elle veut. Survivre, mais ce qui est indispensable pour une entreprise, si elle veut survivre à long terme, c’est aussi qu’elle n’émette plus de CO 2. Donc on est dans une machine à laver là où il faut tout faire en même temps hein. Et ça nécessite bien sûr des renoncements, des repose justement stratégiques, ça nécessite, au-delà de la recherche et développement, pour trouver des nouvelles façons de faire aussi des nouveaux partenaires pour nous accompagner dans cette transformation, de manière à ce que, le plus vite possible, on puisse devenir cohérent. Cohérence, c’est-à-dire faire à la fois une activité économique qui permet de payer des salaires des gens et de continuer d’avoir une empreinte sociétale positive, mais aussi prendre enfin en compte, Eh bien la réparation, la préservation, la protection de tout ce qui nous permet de faire du business, c’est-à-dire les services écosystémiques et de le faire en sorte aussi que la déplétion des ressources qui sont indispensables au business parce que façon le business c’est des matières premières transformées, de l’énergie. Eh bien, on rentre dans une boucle beaucoup plus circulaire de manière à moins taper dans ces stocks qui sont pas infinis. Donc on est dans la décennie où il va falloir que les entreprises apprennent à faire tout ça. Il y en a certaines qui vont s’en sortir bien d’autres moins bien. Ça dépend d’où elles partent. Ça dépend de l’utilité sociale du produit à la base. C’est sûr que si vous fabriquez des baskets connectés avec des produits vierges non issus de la rioux ou de l’économie circulaire, bah ça va être compliqué de maintenir votre activité à l’identique. Bon, si vous êtes dans d’autres types de business qui contribuent notamment à éviter du carbone chez les autres, fabriquer des pompes à chaleur par exemple, qui permettent de remplacer des chaudières à fioul ou des chaudières à gaz à condensation, Bah vous êtes sur des business qui sont forcément porteurs parce que votre technologie permet d’éviter du carbone chez votre client. Donc c’est formidable. Donc encore une fois d’un business à l’autre. Eh bien les conséquences et les incidences de tout ce qu’on vient de se dire seront différentes. Donc la raison d’être de l’entreprise est un facteur clé dans la réussite ou pas. D’une stratégie de transformation et de transition.
– Fabrice — 29:35 :
Alors si justement on essaie de se projeter dans 10 ou 20 ans, qu’est-ce que, selon vous aujourd’hui, vous avez besoin de dire à chaque partie prenante et qui, encore une fois, selon vous, sera probablement une évidence pour tout le monde? En dans 10 à 20 ans?
– Marc — 29:51 :
Bah en fait, les scientifiques nous ont tous dit nous ont tout raconté déjà depuis près de 50 ans, donc on connaît maintenant les conséquences de notre inconséquence et de notre incapacité à avoir anticipé, hein. Ce qui est en train de nous arriver. Donc là maintenant on est proche de ce seuil de non-retour hein. On a dépassé 6 et 9 limites planétaires et maintenant, on est un peu, vous savez, dans la dernière ligne droite de soit on réagit, soit on va vers un chaos annoncé quoi donc les faut même pas raisonner à 10 ou 20 ans. Il faut raisonner à ce qui va se passer demain quoi et ce qu’oui ou non on va regarder la réalité en face et on va prendre des décisions radicales à la fois de transformation de modèles mais aussi de renoncement d’arrêt de certains types d’activités hein, qui ne sont vraiment pas compatibles avec Linux planétaires, donc ça demande à la fois une force d’âme. Des politiques qui sont censées régulées pour l’intérêt général et ça demande aussi une force d’âme très importante des conseils d’administration d’intimer l’ordre à leur board exécutif de recentrer leurs activités sur des activités essentielles avec un modèle d’affaires compatible avec les limites planétaires. Donc si on arrive pas à conjuguer ces 2 leviers, qui est le levier réglementaire en prenant des décisions. Qui peuvent être apparaître comme pas super populaires dans un premier temps si on met pas la pédagogie qui va bien en face et puis au Conseil d’administration, dire de façon si vous ne faites pas cette révolution copernicienne de votre modèle d’affaires, de toute façon, y aura pas de viabilité de votre entreprise. Donc certes, vous allez peut-être gagner moins d’argent avec les communes de la fonctionnalité encore, ça dépend dans quel domaine, mais au moins ça vous garantira plus de durabilité. Donc il est clair qu’on ça arrive aussi dans sa vie personnelle. On est alors de choix. Voilà on lors de choix. Est-ce qu’on a, on va les assumer ces choix? Est-ce qu’on va les décider? Euh ou est-ce qu’on va dire encore une nuit? Ou encore 1 heure Monsieur le bourreau, en attendant que la nature remette les compteurs à 0, ce qui risque d’être un peu douloureux pour une grande partie de l’humanité, voire la totalité de l’humanité. Donc c’est l’équation est simple hein, soit on ralentit, soit on périt.
– Fabrice — 32:06 :
Si on a à évaluer un bilan RSE en tant que tir extérieur, on veut travailler avec une entreprise, on veut peut-être être consommateur, on s’intéresse à au bilan RSE qu’est-ce qu’il faut regarder? Comment est-ce qu’on évalue rapidement ce que vous avez? Quelques conseils ouettes dedans.
– Marc — 32:23 :
Alors d’abord ce qu’il faut regarder en premier lieu, c’est ce qu’on appelle la matérialité des enjeux. Toutes les entreprises ont des enjeux qui sont différents en fonction de la nature de l’activité. Si vous utilisez beaucoup de cuivre, beaucoup de matières premières, beaucoup d’eau, beaucoup de sable, voilà donc les entreprises doivent identifier, évaluer les ressources critiques qui sont indispensables à leur activité et à partir de là, définir des stratégies d’atténuation en relation avec ces ressources critiques. Alors sachant qu’il y a des plus petits communs dénominateurs, le carbone, c’est vrai pour tout le monde. La biodiversité, c’est vrai pour tout le monde, mais au niveau des ressources, ça peut être très différent. Que ce soit en utilisation en directe ou indirecte via la supply chain. À partir de là, bah il faut mettre en place des plans d’atténuation hein, c’est à dire il faut réduire voilà mais comment je peux Ben commencer déjà par diviser par 2 la consommation de telle ou telle ressource tout en maintenant mon activité économique y compris si mon activité économique fait de la croissance. Dans ce cas-là il faut diviser plus que par 2 pour absorber cette croissance et s’il y a pas d’alternative technologique, on rentre plutôt dans des dimensions plus radicales de dire Bah on arrête parce que de façon c’est pas viable et donc là il y a de la pédagogie à faire vis-à-vis des parties prenantes, à commencer par les actionnaires pour dire Bah certains types d’activités. On pourra pas le continuer, on pourra le continuer parce qu’on n’a pas de plan B Quoi on a, on a pas de solution alternative?
– Fabrice — 33:43 :
Mais alors comment ça se voit ça donc j’ai j’ai le bilan RS sous les yeux. Comment je repère ce genre de choses bah déjà quand vous Regardez donc dans les rapports intégrés des entreprises dans la déclaration de performance extra-financière et demain dans le rapport de durabilité hein, c’est comme ça qui va s’appeler le rapport de durabilité lorsque la CSD sera rentré en application. Ben ce qu’il faut regarder c’est pas tant les résultats bruts des indicateurs extra financiers correspondants aux principaux enjeux. C’est de regarder la tenue des trajectoires. Je vous donne un exemple, hein. C’est une métaphore un peu facile, mais si vous avez 10 kilos à perdre en début de l’année, vous avez 2 solutions hein. Soit vous essayez de les perdre tout au long de l’année, donc de l’ordre de 800 grammes par mois, soit Ben vous attendez le dernier mois pour perdre les 10 kilos et là ça risque d’être un peu plus compliqué dans certains cas ça sera même pas possible. Donc finalement un bilan RSE c’est pour les censeurs. Pour les analystes, pour les tiers, qu’est-ce qui va attester que l’entreprise est la bonne est sur la bonne trajectoire, c’est Ben déjà un. Est-ce qu’il y a une trajectoire qui a été définie? Trajectoire théorique de baisse des émissions de baisse de la consommation d’eau, de recyclage des matières premières, que sais-je encore? Et au fil du temps, est-ce que les points sur la courbe attestent que la trajectoire est tenue ou est-ce que la trajectoire n’est pas tenue? Et si la traduction n’est pas tenue, ça bien sûr, ça va poser question sur la crédibilité des actions qui sont mises en œuvre et qui étaient censées faire en sorte que la trajectoire s’est tenue. Donc la crédibilité des entreprises demain. C’est pas dans leurs résultats bruts en tant que tels, c’est dans leur capacité à tenir les trajectoires qu’elles se sont fixées.
– Fabrice — 35:21 :
Et vous parliez de fiabilité faible de ces données extra financières. Est-ce que justement on peut pas jongler un peu avec la faible fiabilité des données pour mettre la poussière sous le tapis? Parce qu’il y a des moyens on va dire, des astuces pour repérer la poussière sur le tapis?
– Marc — 35:39 :
Vous savez, hélas, il y aura toujours des gens qui chercheront à tricher et qui chercheront c’est vrai dans le Tour de France avec le dopage. C’est vrai dans notre vie personnelle avec tout un tas d’astuces que les gens peuvent utiliser pour tromper ces parties prenantes. Mais là, il on joue plus, là il s’agit plus de jouer. Il s’agit pas d’essayer de c’est assez, ça révèle un certain type de mentalité de dire comment je vais pouvoir tromper mes parties prenantes, comment je vais pouvoir tricher pour continuer comme avant, et cetera. Mais moi j’enfin moi personnellement je m’inscris pas du tout dans cette dynamique là. Le moment est tellement grave, c’est tellement dramatique quand on regarde la réalité en face et quand on regarde le temps qu’il nous reste pour agir et la situation déjà tellement dégradée qu’oui il va y avoir des entreprises qui vont chercher à minimiser leurs impacts, qui vont trafiquer peut-être leurs données extra financières pour continuer comme avant. Si j’ose dire, mais le problème n’est pas là, le problème n’est plus là. Tout ou tard, ces entreprises sont démasquées. De toute manière, elles le sont déjà et les parties prenantes s’occuperont d’elles. Donc vous savez, quand vous êtes nombreux à tricher, personne considère que des gens trichent quand il y en a que quelques-uns qui trichent, ça se voit quand même assez rapidement.
– Fabrice — 36:47 :
Et il y en a que quelques-uns qui trichent.
– Marc — 36:50 :
Je pense qu’il y en a de moins en moins parce qu’y a une pression énorme des parties prenantes, y compris les collaborateurs des entreprises et surtout les systèmes de vérification. Des données et les censeurs et les spécialistes et cetera sont beaucoup plus affûtés aujourd’hui qu’ils n’étaient y a 5 ou 10 ans. Donc une entreprise qui tricherait une façon éhontée sur sa trajectoire et sur sa démarche finirait tôt ou tard par être démasqué et attaquer en justice. Et d’ailleurs on est à l’aube, je pense, de procès retentissants dans ce domaine là, ça commence à venir d’ailleurs et je pense que ça dissuadera assez rapidement ces entreprises de continuer d’essayer de tricher. Donc je veux pas dire que je suis optimiste sur le fait que la triche. À disparaître, on l’a vu, je reprends encore l’exemple du Tour de France à chaque génération de coureurs, on pense qu’on a affaire à une génération de coureurs propres. Et puis on trouve toujours des gens qui trichent. Mais on peut espérer que ça finisse par s’arrêter, même si vous avez raison, l’histoire montre que de tout temps, il y a toujours eu des imposteurs.
– Fabrice — 37:52 :
Alors, quels sont les plus grands points de douleur dans le métier de l’accompagnateur comme ça ou même dans le dans la responsabilité que vous avez au sein du groupe Bouygues?
– Marc — 38:00 :
Bah le point de douleur c’est de savoir qu’on va dans le mur de façon générale et que ne met pas suffisamment de moyens ou de volonté politique à éviter qu’on le prenne. Trop vite ce mur, donc ça c’est un point de douleur parce qu’on pourra pas dire qu’on ne savait pas. Donc on sait ce qui va se passer. Donc maintenant c’est un peu frustrant de voir que la science nous a tout dit et que en est encore à se poser des questions métaphysiques sur est-ce qu’on doit le faire maintenant? Ce qu’on va le faire demain? Et est-ce que ça va pas trop vite, et cetera, alors que c’est pas à nous de fixer la vitesse de transformation, hein, c’est la science qui nous impose de cette division par 2 à 2030 et neutralité en 2050 parce que si on ne fait pas ça, on sait que va entrer dans une Terra incognita qui sera compatible avec les conditions d’un de la vie sur terre, tout simplement. Donc, ce qui est très frustrant, ce qui met mal à l’aise ceux qui savent, c’est souvent qu’on enfin on s’aperçoit que ceux qui ont les leviers qui ont le pouvoir ne prennent pas toujours les bonnes décisions. Alors soit ils prennent pas les bonnes décisions parce qu’ils sont en compétent ou inconscients de ce qui est en train de se passer. Soit ils prennent pas les bonnes décisions parce qu’ils savent parfaitement ce qu’il va se passer, mais ils ont peur et ils sont plutôt lâches. Oui, lâches par rapport à ce qu’ils devraient faire dans les 2 cas, c’est pas très glorieux hein. Parce qu’incompétent où lâche. Bon voilà. Puis y a une 3ème voie, il y a ceux qui sont lucides tout simplement et qui sont clairvoyants et qui sont même maintenant bienveillants. Et puis qui essaient de trouver avec leur management, avec leurs parties prenantes, avec leurs clients. Bah des solutions pour produire la valeur autrement. Donc moi je m’occupe surtout de cela parce que les lâches ont c’est difficile de changer la nature d’un lâche. Et puis les incompétents, on peut essayer de les rendre plus lucides en les formant, et c’est pour ça qu’on on en a déjà parlé tout à l’heure. On va encore avoir besoin, hélas, malgré 6 rapports du GIEC, malgré le rapport Minidose, malgré les appels constants des scientifiques, on a encore besoin beaucoup de faire de la pédagogie parce qu’il y a beaucoup de gens encore qui ne n’agissent pas, non pas parce qu’ils sont lâches, mais parce qu’ils ont pas compris. Donc il faut insister lourdement sur cette composante pédagogique.
– Fabrice — 40:19 :
Pour finir ce que vous avez une anecdote à nous partager?
– Marc — 40:22 :
Les anecdotes, j’en ai plein des gens qui sont faussement sincères, des gens qui font semblant et puis d’autres au contraire, qui du jour au lendemain changent tout et décident de renverser la table et de modifier leur comportement et aussi leur modèle d’affaires. Donc ce que je peux vous raconter comme anecdote si sur le l’intensification d’usage des infrastructures, on sait très bien qu’on on a des infrastructures aujourd’hui qui sont structurellement sous-utilisées et donc du coup on a des taux d’utilisation qui sont extrêmement faibles et on est en train de saper que certaines maîtrises d’ouvrage que l’on côtoie, nous notre activité se rendent compte que finalement c’est un peu ridicule de laisser des actifs comme ça qui coûtent des millions d’euros à l’achat et à l’entretien non utilisé et qui aurait moyen donc de plus partagé de mutualiser ces espaces de manière à ce que bien demain on en construise moins et que ces espaces là deviennent plus rentables. Eh bien c’est amusant de voir à quel point ce discours de la mutualisation, du partage, de l’hybridation des espaces qui étaient un sujet qui était inaudible il y a encore quelques semaines, voire quelques mois, est en train de devenir une évidence pour ces mêmes parties prenantes. C’est ce type d’anecdote qui montre que finalement la bascule. Lorsqu’on arrive à faire la bonne pédagogie, peut être très rapide et à l’instar des ola dans les stades, quelques individus extrêmement motivés qui font la bonne pédagogie au bon endroit peuvent arriver à faire lever tout le stade rien que par leur force d’âme. Merci Fabrice, merci.
– Marc — 42:05 :
Vous venez d’entendre Fabrice bonifié, directeur développement durable du groupe Bouygues sur Data-driven One One.